Le dernier des Indiens
(Grimont - Roussel)
Il y a gravé dans ma mémoire
Un rêve étrange rêve d'enfant
Je me souviens de cette ville immense
Qui s'étendait à perte de vue
Au centre, dressé vers le ciel
Une montagne d'immondices
Et au sommet, point rouge sous les nuages
La baraque trouée du dernier
Des Indiens
Indien excité, il observe et il flaire car il sent que le moment approche
Indien impatient il scrute le ciel, il sait lire le langage des signes
Indien affamé écoeuré, il crache sur la ville qui s'étale à ses pieds
Il la regarde crever depuis tant d'années
Et ces fourmis humaines ignorent sa pourriture
Il rit de les voir, grouillant dans ses entrailles, coincés dans sa structure
Fils de chaman, il sent que s'accomplit la malédiction des prophètes indiens
Il danse, danse, danse
Comme l'Indien fou de la légende
Il danse
Cheyenne silencieux, il s'est glissé de nuit jusqu'au coeur de la ville
Cheyenne bariolé il est venu trouver l'eau-de-feu
Indien aux aguets dans la jungle d'acier, vigilance dans un monde hostile
Ecoute, le rythme des pulsions, du métal et du verre
Comme une transe sauvage qui le fascine et l'intrigue
Comme un tempo obsédant qui martèle ses tempes
II danse comme un démon en serrant contre lui l'eau-de-feu
Il danse, danse, danse
Comme l'Indien fou de la légende
Il danse
Avenues lourdes et moites, les chiens hurlent à la mort
Au même instant le même cauchemar
Vient troubler les songes de la ville endormie
Et le diable rouge continue de danser, en marmonnant ses paroles magiques
Son cerveau n'est plus qu'un brûlot, il a la fièvre sacrée du guerrier
L'Indien danse, dans ses yeux fous brille une lueur incendiaire
La ville s'illumine tandis que d'est en ouest
Toutes les sirènes ensemble se mettent à rugir
Il danse, danse, danse
Comme l'Indien fou de la légende
Il danse
Il danse, danse, danse